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Le spectre de la nullité pesant sur les notaires et les agents immobiliers

Un confrère de l’Est de la France, chargé d’établir une promesse de vente, écrit au propriétaire pour lui réclamer une liste de pièces indispensables. Il termine sa lettre d’une manière tout à fait inhabituelle (c’est pourtant une lettre-type) le mettant en garde dans l’hypothèse où il aurait reçu un commandement de payer valant saisie (CPVS) qu’il est invité à signaler immédiatement.

Si ce type de lettre est peu courant, il est indiscutablement fondé, voire le procédé est pertinent.

Mieux vaut prévenir que guérir, a-t-on coutume de dire. L’adage vaut aussi en matière de CVPS, car il est préférable d’apprendre l’existence d’un CVPS avant de signer un avant-contrat plutôt que de le découvrir plus tard grâce à l’état hypothécaire hors formalités.

S’il est un article essentiel à connaître sur la question, c’est le L 312-2 du CPCE qui dispose : « l’acte de saisie rend l’immeuble indisponible ».

Le même code édicte des principes essentiels :
– la procédure d’exécution est engagée par la signification au débiteur ou au tiers détenteur d’un CPVS à la requête du créancier poursuivant.
– l’acte de saisie restreint les droits de jouissance et d’administration du saisi. Celui-ci ne peut aliéner le bien (…).

Un immeuble saisi ne peut en réalité être aliéné que dans le cadre d’une procédure de saisie, à l’amiable sur autorisation judiciaire ou par adjudication.

Bien entendu, l’inaliénabilité prévue par le législateur vise à empêcher le débiteur d’accomplir des démarches contraires aux intérêts de ses créanciers.

Toute la question est de savoir à compter de quand se produit l’effet d’indisponibilité que doit craindre le rédacteur d’un compromis.

A l’égard du débiteur saisi : à compter de la signification du CPVS.

A l’égard des tiers : à compter du jour de la publication du CPVS au fichier immobilier.

Le notaire ou l’agent immobilier doit prendre en compte le premier critère, car s’il a pour mission de faire signer un avant-contrat, le bien doit être disponible dans les rapports vendeur / acquéreur. Le créancier saisissant a au demeurant deux mois pour faire publier son CPVS, d’où le danger de ne pas le voir apparaître …

La sanction est lourde : le compromis signé pour un bien grevé d’un CPVS signifié à son propriétaire est entaché de nullité.

Il n’est pas nul de plein droit. Cette nuance juridique a toute son importance et s’explique. En effet, elle est la conséquence de l’article R 321-13 du code précité qui édicte une inopposabilité de la vente qui serait publiée postérieurement à la publication du CPVS. Le créancier poursuivant peut donc poursuivre la saisie après la vente et même sa publication ! On imagine la succession de conséquences catastrophiques et la responsabilité du professionnel négligent …

Peut-on avoir un risque zéro par rapport à ces problématiques ? La connaissance des règles relatives à la publicité foncière conduit à répondre par la négative, à la différence de ce qui pourrait être affirmé à propos du système d’Alsace-Moselle.

Mais, comme bien souvent, notamment en matière d’incapacité recherchée à travers les demandes de BODACC (à la fiabilité toute relative), si la responsabilité du professionnel est recherchée parce que sous sa plume un compromis entaché de nullité aura été signé, c’est la preuve de ses diligences qui sera essentielle.

Nous ne sommes pas responsables des failles d’un système juridique imparfait. Rappelons qu’à l’impossible nul n’est tenu. Mais, agents immobiliers et notaires sont des professionnels qui doivent se montrer diligents et être en mesure de démontrer qu’ils l’ont été en cas de contentieux.

Ainsi, aussi inhabituelle qu’elle puisse être, la démarche susvisée du confrère apparaît tout à fait fondée et judicieuse.

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